Du 15 au 17 août 2002
Depuis longtemps Jacques me tannait : je devais venir le voir. Depuis longtemps je
faisais tout pour fuir l'échéance : venir voler à Signes avec son équipe de copains et
lui m'impressionnait et ce n'est pas en consultant le site de la CPP que j'étais
rassuré. Les cross qui y étaient relatés me laissaient sur le cul.
Punaise, à qui et à quoi devrai-je me confronter ? Habitué à mes petits vols,
satisfait de mes cross minuscules, je n'allais pas être à la fête.
Finalement, j'ai rencontré des gens sympas, avenants, discrets (ce qui n'exclue pas
l'exubérance pour l'un d'entre eux).
Le Jacques, conscient ou non de me mettre la pression m'avait parlé du site, et j'ai
poussé le bouchon un peu loin en évitant la montée à pied. Grande lâcheté physique
mais on n'a rien osé me dire : je montais les sacs dans ma bétaillère : silence contre
moins d'efforts devait être un deal à peu près équitable pour les autochtones.
Auparavant le fourbe avait longuement insisté sur la possible difficulté de quitter le
bocal une fois en l'air et comme je suis toujours très angoissé de décoller avec du
monde autour de moi, je coinçais vraiment. Tout ça pour dire que j'avais l'impression
d'aller à une sorte de cérémonie initiatique afin de pouvoir approcher les membres de
la secte des crossmen signiens.
Au déco il fallut attendre les bonnes conditions. J'attendis. Puis tout se précipita.
Les dernières recommandations que Jacques et Étienne me firent ne furent même pas
intégrées. Ils décollèrent, prirent quelques dizaines de mètres, pas plus. le Gars
rigolard à la voile jaune qui avait décollé avant tout le monde était très haut mais
on me fit comprendre que ce n'était pas suffisant. Diable !
Ca devait être vrai : un moment plus tard il était au niveau du déco. Pendant ce temps
d'autres qui avaient décollé se battaient dans la pente. Certains étaient déjà
posés. Je me disais que ma nullité crasse passerait plus facilement inaperçue et
j'éprouvais une certaine sympathie pour ces volants qui m'offraient une porte de sortie.
Décollant parmi les derniers, pour une fois sans trop de mal, j'observais ceux qui
bataillaient tout en m'appliquant à trouver les endroits où ça descendait le plus. A ce
jeu, je commençais à évaluer la distance qui me séparait du terrain. Puis j'ai aperçu
une tour. Le Jacques dans sa bienveillance, m'avait dit que souvent... Et en effet, ce
n'était pas mirobolant mais ça tenait. Puis, peu à peu, je réussis à remonter en
marchant sur la tête des pins. Ca me rappelait mon coin. Je crois pourtant que je serais
allé poser comme tout le monde si les deux compères Étienne et Jacques ne m'avaient pas
nargué d'en haut, beaucoup plus haut. Je ne compris pas tout de suite ce qu'il fallait
faire pour les rejoindre. Bon sang, c'est donc vrai, monter, ici, c'est pas donné.
Atteindre le plateau prit un temps fou et quand j'y arrivai je me mis à zoner sur une
énorme ligne H.T.. J'avais beau me dire que c'était un peu grâce à elle que Jacques
vivait et volait, j'aurais bien aimé que les crânes d'oeuf décisionnaires l'aient faite
passer ailleurs. Mais il n'y avait que là que ça tenait. D'ailleurs Étienne y était
aussi. On m'avait dit de ne pas partir en dessous de 2000. Là, on naviguait entre 1300 et
1600, et ça durait. Mais comme les deux indigènes restaient là, moi, grégaire,
j'imitais bêtement essayant d'enrouler des trucs bizarres. Enfin j'arrivais à 2000. Je
ne voyais plus Jacques mais Étienne restait là à patienter dans sa bulle. Comme il me
semblait que le vent me poussait gentiment vers le NE je partis donc en direction de la
montagne de Loubes, ce qui me paraissait logique et je cherchais des yeux l'Oméga de
Jacques... que j'aperçus à un moment derrière moi, mais vraiment très bas, au-dessus
de plaques rocheuses pelées. Étant donné la déguelante dans laquelle je m'étais
installé avec une application et une constance louable depuis quelques minutes je
n'allais pas tarder à être aussi bas que lui. Je me souvenais maintenant que c'est de
cette zone peu fréquentable que Jacques ou Étienne m'avaient dit de ne pas espérer
grand-chose, juste avant de décoller. Ca me revenait maintenant, mais trop tard.
Finalement j'étais content d'être arrivé là. Je regardais Étienne patienter sur le
plateau et Jacques qui remontait lentement. Je me posais, évidemment le plus loin
possible de la route : tant qu'à faire autant compliquer les choses simples ! J'ai passé
un long moment à regarder les deux acolytes enrouler avec application et surtout avec
patience. Première leçon.
Par la suite j'ai envisagé un instant d'acheter un costard trois pièces et une cravate
pour faire "propre sur moi" parce que le stop entre Mazaugues et la
Roquebrussane ça n'a pas été très concluant. Ah, si mes parents m'avaient fait blonde
platinée 90/60/90, j'aurais été pris tout de suite. Mais la chirurgie plastique ne
m'attire pas et j'ai pas envie de m'épiler les jambes. Je vais donc plutôt investir dans
une affiche "retour parapente", ce qui est peut-être moins efficace que les
solutions radicales évoquées plus haut, mais beaucoup moins impliquant !
En fait ces quelques km n'ont pas été désagréables : j'avais réussi à passer
"de l'autre côté" et ça suffisait bien à mon plaisir. Finalement, Signes,
ça commençait à me plaire.
Je n'avais fait que quelques km. Jacques et Étienne en avaient fait chacun dix fois plus.
Faut toujours relativiser quand on entre dans un état de satisfaction trop facile !
Le 16 août on remet ça. Décollage aux petits oignons, thermique immédiat, direction la
Sainte Baume où je vois Yves passer très haut. En insistant un peu je trace assez haut
de l'autre côté et j'arrive assez bas au-dessus du golf de Nans et file sur Rougiers.
Là je prends un truc qui me remonte à 2100, file sur St Maximin où j'en reprends un
autre.
Pour vous, indigènes, c'est certainement assez banal. Pour moi c'est complètement
nouveau et drôlement agréable : je n'ai jamais vécu ça en plaine. Je reprends un autre
thermique de l'autre côté de l'autoroute. C'est magique. Je sais, ça fait un peu gamin.
Moi qui ne suis pas très rigolard, je peux vous dire que je me marrais vraiment en
enroulant gentiment et j'étais surpris de trouver ça finalement facile.
Seul, sans personne pour me motiver un peu, je me suis amusé sans chercher à aller très
loin. Je ne suis sans doute pas assez combatif en ce moment. Posé à côté de Brue
Auriac, content, ravi, béat. Enfin, quoi, la totale. En plus Jacques vient me rechercher
en voiture.
Là encore il faudra vite relativiser : Yves est allé à St Crépin. 175 km. Retour sur
terre pour moi et ma petite satisfaction. Admiration pour Yves, la distance parcourue et
la durée de son vol.
Troisième jour, montée et descente : l'indigène dit que ça ne vole pas, le touriste
écoute l'indigène et va se faire une petite mousse.
Quatrième jour. Je le sens bien. je suis vachement concentré. J'ai envie de faire
quelque chose : ça ferait du bien à mon petit "moi". Je regarde les autres,
observe où ils vont et me retrouve avant-dernier au déco. Ce gars qui m'observe me met
mal à l'aise: je rate un déco puis deux et je laisse la place au gars qui décolle les
doigts dans le nez. Je prends quant à moi le temps de louper un déco de plus : quand on
aime on ne compte pas. Je me retrouve dans toute ma splendeur ! Dans le ciel plus
personne : tous partis. Mais bon sang, il ne sera pas dit que je quitterai ce coin sans le
marquer de mon empreinte éternelle. En effet, modestement mais très officiellement je
revendique le record de la CPP. Vous affichez des chiffres impressionnants en km. Je
vous propose un chiffre aussi méritoire : 77. C'est le temps, en secondes, mis pour
passer -je n'ose même pas dire voler- du déco au terrain. Vous n'en avez pas assez de
vos cross ? Et bien voilà un défi pour votre prochaine saison ! Je suis sûr que ça va
vous motiver. Vous l'aurez compris, la victoire que je revendique n'est à inscrire qu'à
la "Coupe des Ploufs Provençaux". Pas à la votre, qui est, bien
entendu, la seule et la vraie.
Salut à vous tous. Merci de votre accueil. Excusez-moi d'avoir été si long, peu de km
et beaucoup de baratin, c'est la règle du blaireau de base !!! Bons vols à tous,
prudemment. Votre coin est superbe.