Je m'en vais vous conter une des belles histoires,
commes on en trouve dans l'arrière pays provençal.
C'était par une froide de décembre 1993. La vieille Nine, que l'on disait un peu
sorcière, préparait une poularde pour égayer son repas de réveillon.
C'est alors qu'en étripant la volaille, les entrailles de la bête se répandirent par
terre, Nine voyant ceci ne put s'empecher en contemplant la tripaille d'y lire quelques
prophéties, et ce qu'elle y lut fit rayonner son visage ridés par les travaux et les
années.
En effet depuis des années, la sécheresse sévissait sur la région de Varages, village
où justement vivotait la pauvre Nine.
Les champs jadis si fertiles n'était plus que poussière.
Les troupeaux jadis si gras et si nombreux n'étaient plus que des cohortes de chèvres et
de moutons anémiés.
Les vignes jadis si verdoyantes se desséchaient au soleil.
Les hivers longs et glacés succédaient à des étés secs et caniculaires.
Les filles jadis si fraîches et roses, n'étaient plus que platitude et morosité et les
gars du village allaient chercher autour du
circuit du castellet ce qu'il ne trouvaient sur place.
Or,ce que vit Nine semblait annonçait la fin de cette période de disette et de
pénitence.
Nine se ruat chez le curé du village, le bon Père Colicca, qui ,bien que catholique,
était par ses origines lorraines enclin à prêter l'oreille à toutes sortes de
superstitions.
Il ecouta la Nine avec crédulité...
- En es tu sûre?
- N'as tu point rêvé ?
De toute façons la question était trop grave, il fallait en parler aux sommités du
village.
On appela le maire, on alla chercher l'instituteur, on telephona au médecin et au
veterinaire, on ramena quelques vieux sages du village. Et tout ce beau monde, se réunit
au bistrot sur la place du village.
Dehors le village se rassemblait, la Nine ne s'était jamais trompée, déjà, les rumeurs
circulaient.
Qu'avait t'elle vue?
Et dans le bistrot, Nine révéla ses prédictions :
" - Un jour un messager, un signe, viendra du ciel et apportera sur cette terre de
misère à nouveau l'abondance et
la richesse.
- Un jour, un jour, c'est bien, mais quand? s'impatianta le maire.
- Et ce signe, à quoi ressemblera t'il ? s'enquit le docteur.
- Pour moi ce sera un ange ! dit le père colicca
- Et pourquoi pas un extra-terrestre? surenchérit l'instituteur qui n'avait pas oublié
d'être anticlérical comme aux plus beaux jours de la révolution.
La Nine, elle, n'en savait rien, mais elle était formelle, ce serait pour bientôt...
Et tout le monde attendit...
Il y eut un hiver, il y eut un été, mais pas de messager.
Jamais les brebis ne furent si maigres, les filles si laides, le castellet si loin, le vin
si mauvais.
La Nine, morte en juillet, se serait t'elle trompée?
Il y encore un hiver, il y eut encore un été, mais pas de messager.
Le médecin avait quitté le village pour des contrées meilleures.
Même les abeilles étaient parties.
Il y eut encore un hiver, il y eut encore un été, mais pas de messager.
La terre n'était que poussière, les ruisseaux des pierriers.
Il y eut encore un hiver; mais il y eut un jour du mois de Mai...
Ce jour là, en milieu d'après midi, Manon, jeune pastouriaute de treize printemps
faisait paître son pauvre troupeau près du moulin de la Faufadiére.
Elle était née avec la sécheresse et avait grandit avec.
Ses compagnons s'appelait travail, faim et souffrance.
Ses amies : Victorine sa mére et Louison, colley femelle qui l'aidait bien pour garder
ses quelques chèvres.
Ce jour donc, près de la Faufadiere, Manon s'affairait a retirer des spigaous du pelage
de louison quand soudain une
ombre noire et lugubre lui cachât le soleil quelques instants.
Pendant que ses chevres s'éparpillaient, Manon un instant apeurée, saisit son baton, et
se dirigeat suivie de sa chienne vers ce qu'elle croyait étre un prédateur.
En effet, le volatile s'était posé plus loin dans un bruit de papier froissé.
La pauvrette tenant son baton devant elle, s'approcha du curieux cosmonaute qui s'emmêlait
dans un amas de fils, vociférait et grondait sans la voir.
Ici, Bernard, je suis posé au fond du trou du cul du diable, je rentre a Signes.
Et là, se rappelant les predictions de la pauvre Nine, elle l'interpella.
- Es tu le messager? Es tu le signe?
- Quoi? dit la créature en se relevant.
L'aspect bizzarre de la bête fit reculer la fillette, une peau jaune, des yeux noirs
énormes, un crane bleu.
Elle courut au village, partagée entre des sentiments de peur et de joie.
- Il est là, je l'ai vu, il m'a parlé, venez vite!!!
Les gens s'attroupaient autour de la gamine.
- En est tu sûre?
-Oui, je l'ai vu voler.
- Où es t'il?
- A la Faufadiere.
Déjà, les fréres Xerri, deux splendides gaillards s'y ruaient en courrant.
- Comment s'appele t'il?
-Y m'a dit "je suis Bernard et je suis le Signe"
Le pére Colicca jubilait..
- Il y a un ange qui s'appelle Bernard; mais probablement pas d 'extra-terrestre, dit t'il
en narguant du regard l'instit.
Sur ce, le vieux Chevallier, sur son tracteur arriva.
- Vous avez vu à la Faufadiere, il y a un drole de machin qui s'est posé...
- Qu'as tu vu précisément?
- Bin, un machin... Mais le temps que je traverse le coteau avec mon tracteur, il
s'est engouffré dans une voiture de hollandais de passage et est parti.
- Saperlipopette, nous ne saurons jamais si c'etait lui.
Les fréres Xerri revinrent et confirmérent la nouvelle, l'etranger etait reparti.
Tout le village se sépara désapointé, et chacun rentra chez moi en se posant la même
question.
- Etait ce lui?
Et il semblait bien que oui.
Car si ce fut un printemps pourri que ce printemps 1997, il ne fut pas pourri pour tous le
monde.
A Varage, tout le monde fut ravi de cette manne celeste. Les ruisseaux glougloutaient à
nouveaux, les champs verdissaient à vue d 'oeil, les Canadairs s'en furent vers d'autres
contrées, les poules pondirent à s'en eclater les hémorroides, les chévres; les ânes,
les moutons s'accouplérent à qui mieux mieux...
Les filles retrouvérent leurs rondeurs et leurs gaites. Du coup les gars n'allaient plus
au Castellet.
En trayant les abeilles on produisit des kilos de miel.
Tout l'été ne fut que fêtes, ripailles et noces.
Le maire et le curé mariaient à tour de bras et d'encensoir.
Il y eut un bel été, un bon automne, un doux hiver...
Mais un printemps tres sec...
Tout devrait t'il redevenir comme avant? N'avaient ils donc pas déjà trop souffert?
On fit des incantations, on sacrifiat les plus beaux moutons, on cruxifiat des pauvres
matous sur des portes de granges. Les pilotes de Canadairs, revenus combattre de terribles
incendies, virent des inscriptions étranges au milieux même des cultures.
REVIENS BERNARD
BERNARD, ON T'AIME
Mais le messager ne se presenta pas.
Des échos inquietants se firent...
- Il était avant-hier à Saint-Maximin...
- Il est passé quatre fois à Mazaugues ce printemps...
- Mais pourquoi pas chez nous???
Avions nous tant pêché pour mériter cela?
Il y eut un été torride, un hiver long, froid et sec, mais de Bernard point...
Un soir de juillet, Tonin Lacreusette et Gédeon Stinus étaient occupés à tourmenter
les perdrix et autres passereaux au moyen de glu et de collets, et tout ceci dans la plus
grande illégallité. Et ceci sur le coteau de la Valdaille,à 2 Km au sud de Varages. Et
comme la petite Manon deux ans auparavant, il virent le même volatile se poser à deux
coudées de leur cachette.
Ils se turent et écoutérent...
L'aéronef émettait des bruits de conversations..
- Etienne pour Jacques...Etienne pour Jacques...
- Wouaie!
- Ya scarabée qui s'est encore vomi à Varages.
- Gniark Gniark (NDLR : rire sardonique...)
Le pilote de l'aéronef s'empressa de couper sa radio, et commença à plier soigneusement
sa voile à grands coups de pieds rageurs.
Les deux compéres chuchotaient a voie basse :
- On dirait un humain.
- Mais non, il est trop petit.
- Mais il parle notre langue.
- Oui, mais il est trop jaune.
- C'est un japonais, j'en ai vu plein quand j'étais en chine.
- Qu'est ce que tu es allé foutre en chine?
- On s'en fout!!
- T'as raison!
- Comment y on dit qu'il s'appele?
- Scarabée, je crois...
- Bon dés qu'il est parti, on ramasse les grives, on file au village et on raconte tout...
- Oui, mais sans les grives a la main...
- Pas con le Gédéon!!
Cinq minutes plus tard nos deux héros, sont sur la place du village, le souffle court,
dégoulinants de sueur :
- Il est revenu, il est revenu!!
- Enfin dit le maire
- Alleluliah dit le curé
- YOUPIE!! dirent les gosses de la catéchèse
- Il est revenu, et en plus, il est comme nous. dit le tonin.
- Enfin presque! repris le Gédeon
- Soyez plus clair, nom de dieu! dit l'instit
- Il a raison, nom de..de...de trotsky! repris le curé.
- Hé bin, à vrai dire, ça ressemble à un japonais de chine! dit le tonin
- Kèkecé ?dit le maire
- Un japonais, dit l'instit, c'est des petits hommes jaunes qui mangent du poisson et du
riz, se battent à l'épée et se photographient à longueur de journée.
- Mais ça fait pleuvoir, un japonais?dit le veterinaire
- Faut croire que oui, des bombes à pearl harbor mais surtout de l 'eau à Varages.
Attendons et voyons.
Et effectivement, cette fin d'année fut radieuse, pluvieuse à souhait; ensoleillée
comme dans un rêve de Parisien.
Et le Varageois fut à nouveau un pays de cocagne.
Mais le printemps d'aprés, point de messager, point de pluies, que du mistral!!!
On se mit à scruter le ciel quand la brise du sud se léve.
On vit bien, la-haut, prés des nuages, des petits grains de riz multicolores, mais aucun
ne vint se poser a varage;
On écrivit en lettres géantes dans les cultures, des messages désespérés.
WELCOME SCARABEE
BEM VENIDO BERNARD
NOUS AVONS DES SUSHIS ET DES NEMS A VOLONTEE
Mais rien n'y fit...
Et cette année fut désastreuse; les suivantes aussi...
Le messager ne passa plus.
Depuis, le père Colicca a sombré dans l'alcool et la luxure et hante les boites de Sanary
au bras de filles exquises.
Le vieux Chevalier s'est mis à danser la samba avec des cavaliéres prépubères.
Les fréres Xerri se sont lancés dans la médecine douce, et comptent ouvrir une clinique
au lieu-dit "Les Launes".
Le Lacreusette s'est reproduit.
Le stinus non, et finira sans doute vieux garcon.
L'instit s'est mis à jouer du piano.
Votre narrateur s'est vautré, puis s'est retapé
La petite Manon travaille à côté du circuit du castellet (chez cocacola, dans le bureau
de l'infâme M.Corne).
QUANT A SCARABEE
Quant il aura fini de parcourir le monde pieds nus en fumant des fleurs,
Il a promis : aprés Jérusalem, Saint Jacques de compostelle et le taj mahal, il
retournera à Varages......
gbds@voila.fr