Faire son premier marathon avec seulement un an d'expérience
de course à pieds fut pour moi un sacré challenge ....et à New York de surcroît car
c'est le plus prestigieux au monde! Tous les récits que l'on a pu me narrer
sur ce "Magic Marathon" ne furent pas exagérés, loin de là....Tous les
superlatifs du dictionnaire sont insuffisants pour décrire ce moment inoubliable
tellement riche en intenses émotions .Cette course restera gravée à jamais dans mon
cur et dans ma chair. Pour ma part , c'est la première fois que je pleure en
courant ...je l'avoue.Ce moment de bonheur, je le dois au public New Yorkais. Jour J : |
Le dossard bien épinglé sur le maillot estampillé France
tricolore,je me rends avec toute la délégation française à la Public Librairy pour
prendre un des 500 bus qui nous ménera au départ à Staten Islande; l'organisation
américaine orchestre parfaitement bien l'acheminement des 34000 runners au point de
rendez vous à Fort Wardsworth....sur le trajet, on se retrouve avec des
Indiens,Américains, Australiens, Porto ricains,Polonais, Japonais,Mexicains... Déjà à
la sortie du car, les bénévoles nous applaudissent en faisant une haie d 'honneur.La
zone d'attente est immense :des tentes pour se restaurer ,des tentes offices
religieux, des files d'attente interminables pour se soulager, la plus grande pissotiere
du monde ,les rangées des camions UPS pour les sacs vestiaires..... Mon objectif: finir ce premier marathon dans de bonnes conditions physique et mentale mais avec une température anormalement élevée pour la saison:22° au lieu de 10°, un parcours peu plat (5 ponts à franchir ), un genou en vrac (tendinite rotulienne),aussi le marathon a déjà commencé avec la visite de la ville(on a estimé avoir parcouru plus de 65 km à pied en 2 jours seulement puis sans compter la course des Nations Unies la veille!!) ce n'est vraiment pas gagné,un temps de 4H15-4H30 est envisageable malgré un potentiel bien meilleur...mais on ne vient jamais à NYC pour faire un temps mais pour y faire le plein d'émotions ,profiter de l'ambiance fabuleuse et magique de cet événement mondial que dis je, planétaire !! Sur fond musical blues/rock, le speaker nous demande de
rejoindre les lignes de départ correspondant aux couleurs de dossards respectifs et
de ne pas jeter les vêtements dans les arbres....On se souhaite tous des "Good
luck!, Enjoy your run!"...you are talking to me?? le tout dans un délicat
parfum de pommade , vaseline, d'écurie...c'est le " débarquement " sur les
lignes de départ
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La tension monte encore d'un cran mais je reste zen... Moi, Petit
Scarabée avec mon dossard vert 7178 FRA, qu'est ce que je fous là? Dans quel état serai
je au fameux mur du 30eme km ? Vais je y arriver ? Je sais que j'ai donné le meilleur de
moi même durant mes 12 semaines de préparation spécifique semée d'embûches
(blessures, conditions climatiques épouvantables en été). Mentalement, je suis
prêt à en découdre, à me bagarrer jusqu'au bout. H - 1 minute . Cette année, l'hymne national sera inaudible par contre..... BOUM!!! Le son du canon annonçant le start l'est parfaitement ! C' est avec "New York, New York!!!" de F.Sinatra dans les hauts parleurs que j'aperçois les Kenyans ouvrir les festivités ... Quelque soit la rigueur de mon entraînement,les dés sont jetés. Que La Force soit avec moi ! |
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Nous sommes là, 35 000 coureurs officiellement inscrits,
piétinant sur place. Le pont, je vous le jure, se mit à vibrer lorsque, au signal, on
s'élança... en marchant. . au canon qui, tout aussitôt, fit hurler à la mort les
sirènes et les cornes de brume, les douze bateaux pompes lancèrent des gerbes d'eau
bleus, blancs, rouges, tournèrent en rond, sous le pont et sur les eaux de
l'Hudson, tandis que dans les airs plusieurs avions publicitaires et hélicoptères
camera nous abreuvaient d'un bourdonnement d'enfer. Les premiers kilomètres... au milieu
d'une marée humaine bigarrée, chamarrée, survoltée, venue des cinq continents et de
plus de 90 pays. Bousculé, brinquebalé, apostrophé, il m'a semblé, durant une
éternité, que je n'étais qu'un insecte dans une tourmente. |
Et Brooklyn est arrivé. Tout a changé. Cris, hurlements, you?you
sud?américains, sono mise à fond la caisse... tout cela, je l'ai reçu en pleine
poitrine. Mon cur s'est mis à battre la chamade, je n'ai pu m'empêcher de
frissonner. Sur ma gauche, au loin , j'ai aperçu la forêt des pierres tentaculaires des
tours de Manhattan. A Brooklyn, où l'on parle plus de 110 langues, l'architecture est à
dimension humaine .Essentiellement des bâtiments de 4 ou 5 étages de briques rouges et
équipés d'échelles de secours. Mais, très vite, la cohue m'a ramené dans la 4e Avenue, d'autant que plusieurs 'Alay?la Frawnce!", venaient de me surprendre. Tout d'un coup, la folle amitié du peuple new yorkais me glaça l'échine. Misérable inconnu, perdu dans un tumulte aussi bruyant que suffoquant, je venais de comprendre que l'on m'encourageait. " Go, go, go , Frawnce !! ", " vive Frawnce!!", combien de fois l'ai je entendu? 100, 200 fois ? des milliers de spectateurs (si j'osais, je dirai des millions) sont tous là en train d'acclamer, de hurler à tout rompre , peu à peu l'hystérie monte Mon allure est lente car j'ai du mal à dépasser les coureurs , pas
conforme à ce que j'avais prévu ( jamais été aussi lent sur un 10 km, à ce rythme
j'en ai pour 4h45), peu importe, je me sens hyper bien sur mon petit cumulus de beau
temps et je savoure l'instant présent
les miles défilent de la 92 eme Street
jusqu'à Lafayette Street. Je tape dans les mains des kids qui me tendent les leurs
"Go,GO, Minh != Zy va !! |
Au plan technique, la 4ème avenue est rigoureusement rectiligne, très
très longue puisqu'on la remonte jusqu'au bout c'est à dire jusqu'au 8 miles. Puis c'est la traversée de tous les quartiers de Brooklyn avec pour chacun une ethnie différente : latinos américains en très forte proportion,asiatiques chinois et coréens, noirs dans Bedford (Brooklyn est le plus grand quartier noir de NY loin devant Harlem et le Bronx) ensuite Williamsburg, quartier des juifs hassidiques où là encore l'ambiance change complètement. Toujours beaucoup de spectateurs le long de la route tous en costume sombre et chemise blanche avec leurs longues barbes et guirlandes, tous les enfants sont là, parfaitement habillés, fillettes en jupe bleue et chemisette blanche, garçons avec de petits costumes, cravates et chemise blanche mais le silence y est presque absolu . Dernier secteur avant de quitter Brooklyn : greenpoint quartier des polonais et des allemands. |
Le sifflement de plus en plus strident des enregistreurs de puces nous
indique le passage au semi marathon, juste au milieu du Pulaski bridge. Et oui, déjà la
moitié de la course est passée (plus de 21 km) dans L'euphorie et la joie la plus
totale. Un coup d'oeil sur le chrono pour voir mon temps au semi ( je suis d'une lenteur
gasteropodienne, !)un verre d'eau et au revoir Brooklyn et bonjours le Queens Comté du Queens : là c'est la folie furieuse, la chaussée s'est rétrécie en montant, les jeunes ont sorti les watts à donf avec du Eminem " Lose yourself de 8 miles ", du coup je force l'allure en cadence avec cette foule exubérante Yeah !!! Le cardiometre en prend en coup On quitte le Queens pour attaquer le Geant métallique de la course, le pont du Queensborrow : 1ere difficulté, on est vers les 25 km, déjà certains commencent à marcher tétanisés par l'accumulation du lactate dans les pattes ( sont partis trop vite car euphoriques !) Deuxième difficulté du Queensborrow : cela monte... cela monte... pendant environ 1 km et croyez moi c'est dur... Et puis c'est la descente vers Manhattan, cela va mieux, au bout du pont, on prend sur la gauche la route de dégagement qui descend très vite vers Manhattan . Un mélange de bruit sourd et de clameur monte, s'amplifie et alors là ..le moment le plus fort du marathon, celui qui reste gravé à jamais dans ma mémoire, celui qui est encore plus fort que le passage de la ligne d'arrivée, celui.... Simplement en pensant à ce que je vais vous raconter maintenant, ma gorge se serre et l'émotion monte, mes yeux .................. Alors là j'ai devant moi THE SPECTACLE : imaginez des dizaines de milliers de personnes entassées sur environ 200 mètres à hurler comme seules les américaines savent le faire, des cris "Alley la Frawnce" , "Go,GO,GO !! Franwce ! "qui fusent de toute part, trois ou quatre orchestres différents qui vous balancent leurs décibels, des coureurs qui n'en croient pas leurs yeux, s'arrêtent et se plantent au milieu de la route pour sortir leur appareil photo et faire ce qui sera pour eux la plus belle photo. C'est pour moi très difficile de raconter ce qui se passe à ce moment tant le spectacle est surréaliste, c'est sans conteste l'endroit où tous les accompagnateurs doivent être, nous coureurs on en prend plein les yeux, plein les oreilles. l'émotion est à son comble. Là on n'a pas le choix, on est obligé de ralentir (voire de s'arrêter pour faire une photo ou parce qu'on ne peut plus passer tant les coureurs devant nous ont ralentis ou se sont arrêtés) on essaie de ne pas perdre une miette de ce spectacle. Certains chanceux embrassent ,très émues des amis, leurs enfants, leurs parents . la route est relativement étroite et le tracé nous fait faire un virage à 180° pour entrer dans la 58ème et immédiatement (50 mètres environ) encore un virage à 90° et là on débouche dans la majestueuse première avenue. Là encore un spectacle impressionnant, inoubliable on entre dans cette première avenue immense, très large (environ en largeur six voies pour automobiles) absolument rectiligne et s'étendant à perte de vue sur 6 km, et en léger faux plat montant. Le spectacle est partout : - le peloton de coureurs que l'on voit devant nous s'étendre à perte de vue (que l'on soit sur des bases de 3 h 30 ou de 5 heures, cela importe peu) - les spectateurs (certes assez loin de nous, sur les trottoirs et derrière les barrières mais toujours aussi hurlant, gesticulant, agitant les drapeaux de tous les pays du monde. Et ce spectacle, cette ambiance vont durer, durer sur environ 3 km et sur 2 fois la largeur de la canebiere dans la première avenue avant de retrouver une densité un peu moindre de spectateurs. Je me surprends à courir la gorge nouée, les larmes me brûlent les yeux je ne comprends pas ce qui m'arrive Que du bonheur, je vous dis ! Pendant toute cette partie du circuit, bien que vous ayez déjà 26 - 27 - 28 km dans les jambes, même si vous êtes crevés, épuisés, malades ou à l'agonie vous comprendrez pourquoi les anciens marathoniens qui ont fait new-york vous disent tous "on ne peut pas abandonner à New-York car les spectateurs vous portent". Magic !!! La remontée de la première avenue commence, au début les maisons riches de Manhattan (on est au niveau de la 59th, cad l'entrée de Central Park) puis après environ 2 miles, le paysage change progressivement, sans que l'on réalise précisément, les maisons sont de plus en plus délabrées, de plus en plus pauvres, on est entré dans Harlem, sans en remarquer la limite. Les spectateurs bien que moins nombreux qu'au début de la première avenue (ils sont regroupés par paquets) sont tout autant sinon plus chaleureux. Là encore, comme à Brooklyn, il me reste encore assez de force, j'ouvre grands les yeux et je vois ce qu'est le vrai new-York, l'urbanisme, mais aussi la détresse et les gens. Pour nous marathonien cela commence à devenir dur, on est toujours sur ce faux plat montant, et on doit passer dans cette première avenue le 17ème, 18ème et 19 miles avec le seul ravitaillement solide un peu avant le 30ème km (ravitaillement uniquement en power bars). Petit calcul mental : 19 miles ça fait 30 km !! je suis au fameux MUR du marathon et je me sens étonnamment bien, je mets donc un peu de charbon dans le feu avec un peu de Gatorade, beurk !! c'est pas bon .. A la sortie de Manhattan, on arrive au Willis Av. Bridge, nouveau pont, nouvelle cote pas très importante mais surtout nouveau caillebotis que l'on ne peut là absolument pas éviter.... Et c'est l'entrée dans le Bronx. On fait une petite incursion dans ce quartier mythique, toute petite incursion (un mile) histoire de voire à quoi ressemble ce quartier. Cela ressemble beaucoup à nos quartiers de banlieue avec une population toute aussi chaleureuse que dans Harlem. Cette incursion nous fait surtout traverser deux ou trois grandes citées. Les rues empruntées par le marathon étant toujours très larges, les spectateurs sont relativement loin de nous derrière les fameuses barrières en tissu que l'on voit dans tous les films américains "do not cross this line" Le Madison Av. Bridge (dernier pont) nous fait rentrer dans Manhattan, dans Harlem. Juste avant de franchir le pont, sur la droite on peut voir le temple du football américain le yankee stadium. On est au 21 miles (environ 33/34ème km). On retrouve Harlem avec autant sinon plus de chaleur que dans la partie précédente. Je ralentis pour chanter en chur " ABC, one,two, three, " des Jackson Five que les enceintes nous déversent sur le passage trop cool ! Au 35ème km Morris park beaucoup de monde, toujours autant d'enfants, autant de mains à serrer en courant. Plus que 7 km, 6 km et c'est l'entrée dans Central Park. La ligne bleue est là, il faut la suivre.....je ressents quelques douleurs dans les cuisses et articulations mais je m'en remets aux conseils de mon pote Roland ( un sacré marathonien et parapentiste) : ne pas se fier à ces " fausses infos algiques ".Paradoxalement,je décide d'accélérer le rythme . Arrivée dans Central Park : Richard j 'ai pensé à toi, tu m'as dit : Profite ! profite ! Ca y est... On sent l'écurie On commence par longer Central Park sur la 5ème avenue, c'est un faux plat montant jusqu'à la 90ème rue. Puis l'entrée triomphante dans Central Park, je sais que je vais terminer ce marathon de rêve et enfin atteindre mon objectif. Le tracé dans Central Park est fabuleux : les allées sont larges, elles serpentent au milieu de la verdure et tous les new-yorkais avec leurs enfants semblent s'être donné rendez-vous dans Central Park pour nous acclamer. La foule est immense, tout le monde hurle, nous encourage, c'est du DELIRE !. C'est aussi là où l'on est le plus près des spectateurs et où l'on comprend ce que je vous ai régulièrement répété : "vous êtes porté par les spectateurs..."Mes voyants clignotent au rouge, premières crampes et pas mal de coureurs se mettent à marcher, d'autres s'arrêtent pour s'étirer, C'est vrai que c'est dur on n'est pas loin du 40ème km, on a mal partout, cette route qui monte et qui descend... croyez moi cela fait chaud au coeur tout ces spectateurs... tous ces drapeaux français, ces gens qui hurlent alley la Frawnce, Don't give up, Go,GO, Minh !! " le pastis à l'arrivée !! "- véridique ! - des coureurs qui ont terminé leur marathon et qui reviennent nous encourager. Ces hurlements ininterrompus pendant toute la traversée de Central park sont inénarrables C'est dingue le nombre de coureuurs qui marchent . C'est à ce moment que j'aperçois Cathy du ptit déj, la mine déconfite, les larmes aux yeux, me disant qu'elle a trop mal au genou, qu'elle veut abandonner Il n'en est pas question !, viens avec moi !, lui criais je en empoignant son bras ,puis on reprit le rythme ensemble pendant qqes metres pour relancer la " machine "( je sus plus tard qu'elle finira) A moi de remettre du charbon dans le feu car je suis euphorique malgré les douleurs qui me tenaillent J'ai en tête du petit scarabée la chanson des Stones " don't stop ! "
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